Accompagner des femmes ou prendre en charge des victimes ? Les transformations des politiques de lutte contre les violences de genre au prisme du travail associatif et communautaire (France-Québec)

Conférence donnée par Marion Leboucher, doctorante en science politique à l’Université de Montréal, CPDS, CAPED.

Récemment, le gouvernement Legault a annoncé la mise en place expérimentale d’un bracelet anti-rapprochement pour les femmes victimes de violence conjugale. Mobilisable par les tribunaux sur le territoire français depuis 2020, ce dispositif est présenté comme une solution pour lutter contre les « morts violentes au sein du couple ». Sans statuer sur le degré d’efficacité de ces mesures en termes de protection des victimes, la généralisation de ce dispositif interroge quant à la dimension judiciaire et répressive des réponses gouvernementales en matière de lutte contre les violences de genre. En effet, l’accompagnement des femmes qui vivent de la violence s’est historiquement déployé depuis les groupes issus des mouvements féministes en lien avec les institutions du social (Lavergne 1998 ; Delage 2017). La transition vers un champ d’intervention plus régalien de l’État interroge quant à la nature de l’intervention proposée aux « femmes et aux corps féminisés » (Gago, 2020). Cette présentation est issue de la thèse de doctorat de la chercheuse et se concentre sur une analyse des transformations de l’encadrement politique des « violences faites aux femmes » depuis des groupes français et québécois de lutte contre les violences conjugales et d’accompagnement des travailleuses du sexe. Le passage d’une réponse sociale à une réponse pénale est plus atténué au Québec qu’en France notamment en raison des degrés d’autonomie des espaces communautaires et associatifs (Lalande 2018). Il n’empêche que ce processus de judiciarisation est perceptible dans les deux espaces nationaux (Delage, Lieber, et Chetcuti-Osorovitz 2019), et particulièrement dans le domaine de la « lutte contre l’exploitation sexuelle » avec l’adoption des lois dites de « pénalisation des clients ». Les associations et organismes sont différemment impactés si la conception des violences de genre qu’ils défendent entre ou non en résonnance avec les politiques étatiques. « Ramener l’État » (Simonet 2010) dans l’analyse du travail associatif et communautaire auprès des femmes montre que la nature (sociale ou judiciaire) des réponses de l’État en matière de violences de genre structure aussi les clivages politiques entre les groupes.

Ce contenu a été mis à jour le 11 février 2022 à 7 h 00 min.

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